Après les expériences sensorielles de Pi et Requiem for a Dream, Darren Aronofsky poursuit son exploration de la psyché humaine et du champ des possibles de ce monde. Œuvre éblouissante par la structure même de son récit et les imbrications temporelles qui découlent naturellement du scénario d’Aronofsky et d’Ari Handel, The Fountain est surtout captivant dans son approche des notions de vie et de mort. Rarement un film aura su exprimer les émotions liées à la maladie avec autant de force et de justesse, et tout les éléments concourent pour faire de The Fountain une œuvre cathartique et sublime.
Hugh Jackman et Rachel Weisz forment ce couple qui se suivra sur trois époques, liés par leur amour immortel et une volonté de la part de l’homme de trouver un remède à la maladie. Les deux acteurs sont tout simplement étonnants de sincérité, et élèvent leurs personnages vers une dimension à la fois intimiste et mythologique. Tel Adam désireux de sauver son Ève à travers les siècles, Tom poursuit sa quête avec toute l’urgence d’une vie qui s’écoule, et essaie de trouver l’ancestral Arbre de Vie, source d’immortalité, qui permettra la guérison d’Izzi. La recherche varie selon les époques, le conquistador cherchant littéralement l’Arbre afin de sauver l’Espagne et par conséquent sa reine; Tom est un vétérinaire cherchant à élaborer un vaccin grâce à des fragments d’un arbre exotique; et le Tom futuriste voyage avec son Arbre mourant jusqu’à une nébuleuse qui lui permettra de renaître. Trois variations sur le thème de la maladie, qui confronte le spectateur à différentes notions élémentaires comme l’amour, la mort, la nature et le temps. Oeuvre ambitieuse malheureusement tronquée ( la défection de Brad Pitt pressenti pour le rôle principal verra le budget du film réduit de 40 millions de dollars), The Fountain reste malgré tout un film à la beauté visuelle époustouflante; les effets spéciaux soulignent un mysticisme très profond, empruntant à la culture maya, chrétienne et bouddhique, toujours selon les époques traversées. Les visions de l’espace sont magnifiques, et d’autant plus magiques qu’elles sont en fait des images de réaction chimiques qui ont lieu à une échelle minuscule. L’espace semble aussi infini dans les étoiles que dans la matière microscopique, et ce procédé est tout à fait cohérent avec la notion de cercle de vie qui sous-tend la structure du film. En traitant d’une histoire d’amour intemporelle, c’est évidemment de la vie dans son ensemble qu’il est question, des points de vue humain, biologique et temporel. Les symboles présents à travers le métrage lient ces différentes temporalités avec une aisance confondante et une très grande maturité.
Le travail pictural de Matthew Libatique, fidèle collaborateur depuis Pi, a pour effet de plonger le film dans une ambiance intemporelle, comme si la flèche même du temps ralentissait. C’est une lumière calme, posée comme un tableau de maître, sous laquelle se débat Tom dans sa quête éperdue. Libatique a réalisé un travail époustouflant, qui se lie sans que l’on puisse voir le moindre raccord à cette si belle histoire. Et pour achever la cohésion de l’ensemble, Clint Mansell (présent aussi depuis Pi) et le Kronos Quartet composent un score magistral, agrémenté de morceaux du groupe Mogwai, qui s’insèrent parfaitement dans l’esprit mystique et contemplatif du film.
Sur tous les points, The Fountain prend son envol avec grâce, et se construit peu à peu pour parvenir à entraîner le spectateur dans ce voyage aux confins de l’univers, de l’existence et du temps, avec toute l’aisance d’un récit complexe dans sa structure, mais dont la narration sensible est aussi émouvante qu’universelle.
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