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salem center: janvier 2008

jeudi 31 janvier 2008

GERARDMER 2008: SEANCE 3: END OF THE LINE (MAURICE DEVEREAUX, 2006)



12h40. Sorti du McLean, nous reprenons la route à toute vitesse pour arriver à la séance de 13h au cinéma Paradiso, situé à nouveau de l’autre côté de la ville (j’exagère un peu, en bagnole c’est à 5 minutes en fait). Nous arrivons à l’entrée où il y a peu de monde, la gratuité de la séance faisant peut-être craindre à certains l’inanité du produit. C’est vrai que le Creep-like s’annonce ronflant, sur fond de secte débile, mais qu’à cela ne tienne, il nous faut patienter jusqu’à 16h pour voir [REC], autant se mettre quelque chose sous la rétine. Nous entrons donc facilement dans la petite salle, et nous nous installons sur des sièges difficiles. Pauvres de nous, nous n’avons pas encore conscience que nous les reverrons encore deux fois, ces sièges...L’attente est très courte, et après une énième glace gratos filée à l’entrée par de sympathiques ice-girls, nous voilà plongés rapidement dans le métro canadien… Cette séance n’est pas présentée en 35 mm, mais en vidéo. Pas grave, on verra bien ce que ça vaut.





Le début met tout de suite dans le bain, et le premier sursaut est rapide et inattendu. Mad Movies semble avoir eu le nez creux pour ce film, puisque les inédits vidéos sont de leur ressort. La première scène est donc réellement flippante et l’enchaînement va se faire assez rapidement. Des suicides inexpliqués, des disparitions dans le métro, une secte de fanatiques très dangereux… Le mélange me semblait improbable, mais les qualités conjuguées d’un scénario malin et d’une réalisation dynamique font de ce film une véritable surprise, à l’opposé du Z qu’il semblait être. Plus poussé que le Creep de Christopher Smith, End of the Line va jusqu’au bout de ses parti-pris, quitte à verser dans le gore pur mais jamais gratuit.

Les différents protagonistes sont tous des inconnus, mais ils sont franchement bons! Que ce soit la manga girl à la fois parodique et attachante, le sadique effrayant et débile à la fois, ou tous les autres finalement, le casting est excellent pour cette petite bande résolument trash. Une pincée d’érotisme, un zeste de fin du monde, un grain nocturne poisseux et une disposition temporelle étonnante et efficace, End of the Line s’avère être un très bon B movie!

L’aspect religieux est traité avec humour et sadisme, et les frères et sœurs de la Voix sont des individus complètement lobotomisés, qui ont pour mission de tuer ceux qui se détournent du Seigneur afin de les sauver. Evidemment, les passagers sains d’esprit préféreraient ne pas être sauvés du coup, et se lancent dans une fuite éperdue à travers les galeries de métro et les couloirs parallèles. L’ambiance est résolument sombre, et les pointes d’humour qui s’élèvent sont toujours surprenantes. Une maîtrise totale donc pour ce 4ème long d’un réalisateur-scénariste très motivé, ce qui donne rudement envie de voir les films de ce Maurice Devereaux. Le probablement bien nommé Slashers en premier…
Bref, si vous voulez de l’horreur souterraine bien sadique et gore sur fond d’apocalypse, avec en prime une satire frontale de la religion, ne faites pas l’impasse sur cette petite perle taillée avec soin, dont les reflets sanglants brillent bien plus efficacement que certains films à l’épouvante trop propre…

mercredi 30 janvier 2008

GERARMER 2008: SEANCE 2: SOLITAIRE (GREG McLEAN, 2007)


Après l’ambiance à moitié oppressante de L’Orphelinat, Jimmy, Reb Brown, Mother Firefly et moi courons à la voiture afin de nous rendre à l’Espace Lac. Nous sortons de la première séance, il est 10h 45. Déterminés à voir Solitaire, nous sommes malheureusement conscients de la quasi-impossibilité d’arriver à temps pour la projection de 11h, surtout qu‘elle est réservée à la presse. Nous courons malgré tout à la voiture avec l’espoir secret d’arrêter le temps, et nous retraversons la ville. La foule est bondée devant le Casino, mais nous ne perdons pas espoir. Nous poursuivons notre route le long du lac, et le destin se met en marche. Une voiture sort de son emplacement de parking, la seule place à des lieues à la ronde! Ni une ni deux, nous sommes garés, et nous commençons à courir comme des dingues vers la salle. Mais comment entrer dans une séance réservée prioritairement à la presse, et où nos pass journaliers sont probablement insuffisants pour dénicher 4 sièges? Pourtant à l’entrée (10h55), personne. Pas de problème pour passer, et un soulagement intense quand nous arrivons directement dans la grande salle, et que nous trouvons des places de côté. Derniers arrivés, mais on a réussi!
Ca fait 2 minutes que nous sommes assis, et des applaudissements se font entendre juste derrière. Un bonhomme barbu se fait prendre en photos, c’est le président Stuart Gordon! Suivront le tout petit Takashi « J’ai pondu 6 Grudge » Shimizu, la belle Kristanna « Terminatrix » Loken, le très vieux Ruggero Deodato, le sympathique Neil Marshall… Mais après quelques signatures, c’est l’heure de voir la véritable star du moment, et les lumières s’éteignent. Le croco va surgir…


Sortie le 13 août 2008

Après un premier long prometteur mais surfait (comprenez une première heure véritablement belle avec despersonnages fouillés, et une fin sombrant dans le ridicule avec un tueur en mie de pain), Greg McLean donne un petit successeur à son Wolf Creek. L’argument de départ a de quoi faire fantasmer tout amateur de cinéma bis qui se respecte: un bon gros trip sur les eaux marécageuses d’Australie, avec un bon gros croco géant à affronter. Ca fait saliver non?
Le générique est puissamment immersif, avec cet aspect naturaliste et ces paysages à couper le souffle. On est bien loin du bayou américain, et l’ampleur desdécors suffit à suggérer l’isolation que vont connaître les quelques touristes embarqués à bord du Suzanne, petit bateau de loisirs destiné à côtoyer les croco en toute sécurité.

Tout commence donc comme une attraction seulement ternie par la chaleur et les mouches. La présentation des personnages s’avère subtile et intelligente, et on se dit que la base de Wolf Creek est respectée. L’action ne va pas tarder à démarrer, et après quelques autres aperçus de la beauté de ce pays, la première attaque a lieu. Le bateau est percuté de plein fouet par une masse énorme, lui faisant prendre l’eau et obligeant les occupants à se réfugier sur un minuscule îlot. Piégés et terrifiés, les touristes et la guide vont être confrontés à un crocodile qui n’a pas l’intention de les laisser quitter son territoire…
Si les scènes d’action sont plutôt tendues, il y a tout de même un problème majeur avec les personnages. Autant ils apparaissaient réalistes au début, autant ils ne sont finalement plus que des figures archétypales, ce qui amoindrit considérablement la portée psychologique. Ce qui est bien dommage, Radha Mitchell composant une autochtone rude et délicate à la fois. Mais Michael Vartan ne parvenant lui à donner aucun relief à son personnage.


Par contre les effets visuels sont excellents, et la structure du croco ainsi que les séances de bouffe sauvage sont vraiment réalistes. Mais le final dérive rapidement vers le bon gros n’importe quoi au détriment d’un réalisme peut-être trop attendu. La lumière totalement artificielle du film gâche aussi énormément les scènes, notamment les scènes nocturnes qui font vraiment studio.
Le deuxième effort de Greg McLean est donc une grosse déception, qui s’avère plus proche du fun Frankenfish que d’un stressant Dents de la Mer en mode fluvial. Greg McLean a probablement voulu éviter la redite et offrir un spectacle plus cool, mais même en acceptant l’argument de la décontraction, Solitaire n’est pas le film de flippe annoncé (ou fantasmé?). Une scène finale totalement ridicule achève d’emballer le tout, et on reste sur le sentiment que tout ça aurait pû être bien meilleur...

mardi 29 janvier 2008

GERARDMER 2008: SEANCE 1: L'ORPHELINAT (JUAN ANTONIO BAYONA, 2007)


C’est à 6h30 que le départ est donné. En pleine nuit, Jimmy, Reb Brown, Mother Firefly et moi-même prenons le chemin de la lointaine montagne. Les esprits sont encore embrumés, des volutes oniriques encore accrochées aux paupières; mais l’œil ne ment pas, et il se glisse en chacun une pointe d’excitation qui n’allait faire que grandir… La route est déserte en ce dimanche 27 janvier, le temps est relativement doux pour la saison. Pas de verglas, du stress en moins donc. Nous traversons les vallées en essayant de nous rappeler l’heure de passage des films à voir, et la pointe d’excitation se fait plus vive. Les virages n’en finissent plus, et ils nous rapprochent de plus en plus de [REC], Rogue, L‘Orphelinat
Tout à coup, au détour d’un énième virage se découpe le fameux lac, nimbé de la pâle lumière qui vient de faire son apparition. Les esprits se réveillent réellement à cet instant, car cette fois-ci, on sait que l’on touche au but. L’arrivée dans la ville se fait sans bruit et sans fureur, pas d’embouteillages, pas de foule déchaînée. Tout est paisible, et la plupart des festivaliers doivent encore rêver de L’Orphelinat passé hier soir… C’est à 8h30 que nous tenons enfin en main le pass tant convoité, et nous fonçons à travers la ville en direction du MCL afin de ne pas rater la séance de 9h, qui nous présente L’Orphelinat de Juan Antonio Bayona. Les discussions avec les festivaliers vont bon train, et nous en apprenons un peu plus sur les films à éviter, ceux à voir absolument… Tout à coup, la lumière s’éteint. La rumeur de la salle baisse, et le générique de présentation du festival fait son apparition. Une petite compilation 3D des plus grand monstres Universal, accompagnés d’une musique efficace.. Cet excellent concentré nous met directement dans l’ambiance qui va nous tenir toute la journée, et je remercie encore en silence la transposition de ce festival situé à l’origine à Avoriaz… C’est parti, L’Orphelinat sera le premier d’une liste de 6 films, et niché au creux de Gérardmer, nous pouvons nous laisser aller à nos peurs les plus profondes…



sortie le 5 mars 2008

Depuis la moitié des années 90, le cinéma d’horreur espagnol revient sur le devant de la scène avec des auteurs comme Alex de la Iglesia et Alejandro Amenabar. Le Jour de la Bête du premier (1995), le Tesis du deuxième (1996) ont ouvert la voie à un renouveau horrifique bienvenu, qui a permi à de nombreux auteurs de s’immiscer dans la brèche. Jaume Balaguero, Nacho Cerda, Paco Plaza… Ce contexte florissant permet de monter une coproduction hispano-mexicaine confiée aux bons soins d’un réalisateur qui signe ici son premier film, Juan Antonio Bayona.



Dès les premières images, l’ambiance typiquement ibérique faite d’enfance innocente et de tragédie latente se met en place. La beauté picturale joue avec la froideur des lieux, l’image est très travaillée, et la précision du cadrage se fait au millimètre. Bayona marche indéniablement sur les traces de Balaguero, et le film s’annonce comme une variation intéressante sur l’enfance pervertie, sujet de prédilection de Balaguero ( La Secte sans Nom, Darkness, Fragile), mais aussi du réalisateur mexicain Guillermo del Toro (L’Echine du Diable, Le Labyrinthe de Pan), agissant ici comme producteur. La filiation est donc toute tracée, et ce film construit pour être un blockbuster horrifique ne manque effectivement pas de moyens et de sources d’inspiration.
Et pourtant, l’accumulation de ces références va paradoxalement se retourner contre le film. Si l’on débarquait en plein métrage sans rien en connaître, on croirait volontiers que la mise en scène soit de Balaguero lui-même. En élève consciencieux, Bayona répète les mouvements et les cadres de son prédécesseur, mais ce qui apparaissait comme une simple filiation se transforme peu à peu en tics répétitifs, dénaturant par là même l’authenticité du propos de son auteur. Quand les portes commencent à claquer pour la cinquième fois et que le tourniquet n’arrête plus de se mettre à tourner tout seul, cela commence à sentir le réchauffé, et pire, la faute de goût. On se rend donc compte que Bayona ne fait que suivre une recette certes maîtrisée, mais qui s’avérera finalement dénuée de toute spontanéité.



L’Orphelinat n’en est pas une purge pour autant, car il parvient à créer une tension certaine dans plusieurs scènes. Mais à force de vouloir bouffer à tous les rateliers (la ghost story, le frôlement de la folie, les accès gores), il ressemble à un patchwork bien cousu mais trop fin pour tenir chaud. Le genre de film qui fera figure dans les festivals avec son côté classieux, et qui plaira aux amateurs d’épouvante distinguée.
Il contient néanmoins quelques scènes de flippe bien troussées, notamment lors du passage avec la médium. Secondé par un technicien qui a placé des caméras dans toute la maison, et par un spécialiste de l’occulte qui va la mettre en transe, cette séquence s’avère véritablement angoissante. Le passage d’une pièce à l’autre répercuté par la vision froide des caméras joue énormément sur cette tension (annonciateur de [REC]?), et le travail sonore avec les échos du passé est sacrément bien foutu. La fin est aussi très émouvante, mais ne suffit pas à compenser le reste.
L’Orphelinat est finalement un gros travail d’équipe construit pour les festivals, et le jury ne s’y est pas trompé puisqu’il lui a décerné le Grand Prix. Merci Stuart


lundi 28 janvier 2008

MEPHISTO (AL MILGROM, JOHN BUSCEMA, 1987)


Un petit plaisir bien 80’s avec cette mini-série en 4 parties centrée sur le démoniaque Méphisto, incarnation du Mal aussi diabolique que fourbe, qui va tenter de voler des âmes successives afin de s’approprier la plus puissante possible. Un jeu éprouvant pour ses victimes, mais la résistance fait face!
L’imagerie crépusculaire de John Buscema est gentiment rétro, avec ses démons difformes hantant l’Enfer et un Méphisto bien poseur juché sur son trône. L’esprit manichéen des années 80 réduit forcément la portée du récit, qui ne se prend jamais pour autre chose qu’un sympathique divertissement. Si l’on accepte l’absence de toute prétention véritablement émotive, on se retrouve avec un comics au dynamisme bien dosé dont les multiples protagonistes donnent matière aux bassesses de sa majesté diabolique.
C’est ainsi que Méphisto va être successivement confronté aux Fantastiques, à Facteur-X, aux X-Men et aux Vengeurs. Un programme qui s’annonce rythmé et dont le caractère répétitif des confrontations n’annule finalement pas le plaisir. Symptomatique des crossover qui ont commencé à se multiplier après les 1ères Guerres secrètes (1984), Méphisto déroule un récit davantage centré sur les personnages que sur une intrigue finalement simpliste. Mais la recette fonctionne, et les oppositions physiques et verbales entre les deux camps sont menées avec une efficacité toute naïve, qui voit des super-héros prêts à tomber dans les pièges pernicieux du maître des Enfers. Comme il l’avait fait pour Faust, les contrats qu’il propose aux héros les font bien hésiter… Les illusions qu’il crée vont causer des réactions désastreuses, et Méphisto se lance dans la collecte des âmes avec une joie non dissimulée.



Quelques trouvailles scénaristiques donnent du sens à ce récit somme toute assez simple, et c’est le cas notamment lorsque Malicia croit pouvoir sauver ses amis grâce à son pouvoir lui permettant de prendre leurs capacités et leurs souvenirs par simple contact. Par extension, c’est dans leur âme même qu’elle puise, et elle tente de le faire avant que Méphisto ne parviennent à se les approprier lui-même. Le scénario d’Al Milgrom joue donc sur les retournements de situation inattendus et des interventions soudaines. Et même si tout se termine bien, le caractère retors de Méphisto est tel qu’il semble bien encore profiter de son apparente défaite…
En bref, on peut qualifier ce récit de basique, mais il est constitué des éléments typiques des comics 80’s avec leurs héros valeureux et leur indispensable Némésis. L’atmosphère maléfique est donc secondée par un traitement naïf, et le potentiel maléfique du personnage n’est certes qu’effleuré; mais un crossover où l’on croise Wolverine (encore appelé Serval à l’époque), la Chose, Captain America, Miss Hulk, Thor et encore une dizaine d’autres ne peut finalement qu’être sympathique…


vendredi 25 janvier 2008

EDMOND (STUART GORDON, 2005)


Depuis Ré-animator, Les Poupées ou Fortress, Stuart Gordon a fait du chemin et opère aujourd’hui un virage dans sa carrière. Le metteur en scène délaisse les histoires d’horreur pure ou les récits de science-fiction, et s’aventure dans l’horreur psychologique. Depuis 2003 et son éprouvant King of the Ants, il poursuit son exploration des tréfonds de l’âme humaine en faisant rejaillir ce qu’elle a de plus mauvais et de plus désaxé.
Edmond raconte la nuit particulière d’un quadra mal dans sa vie et qui décide de tout lâcher. Il quitte sa femme et s’en va errer dans les rues de sa ville, porté par des désirs latents jusque-là inavoués. Sexe, pouvoir, violence, autant de nouveautés qu’il va éprouver et qui le métamorphoseront à jamais.
Dans le rôle de cet individu totalement paumé et résolument lambda, William H. Macy est comme d’habitude génial. Ses traits si particuliers conviennent parfaitement à cet homme désireux de changer de vie, et son jeu d’acteur lui donne une consistance faite de pulsions et de craintes bouillonnantes. Et les rencontres qu’il va faire vont peu à peu le transformer, révélant des éléments de sa personnalité qu’il avait enfoui pendant toute une vie.


La thématique de la prise de conscience de la futilité de l’existence n’est pas nouvelle, mais le traitement que lui applique Stuart Gordon en fait un objet curieux. A la fois réaliste et malsain, il pourrait s’apparenter à une version irrémédiablement glauque d’American Beauty, avec en supplément une apparition de la belle Mena Suvari. Gordon plonge son personnage, et le spectateur par extension, dans le milieu nocturne d’une grande ville (New York?) avec son lot de ruelles mal famées et de chair à vendre. Une plongée en apnée dans les bas-fonds de la société, où les pulsions lissées par des décennies d’éducation volent en éclat en une nuit.
Si le récit place le spectateur dans une position de voyeur, c’est dans un souci quasi-documentaire de faire découvrir cet univers ténébreux. La visite du club de strip-tease, la séance de peep-show, la montée dans la chambre d‘une prostituée, tout est présenté de manière frontale, et on découvre la réalité de ces lieux en même temps qu’Edmond en fait l’apprentissage. Le pognon sous la luxure, les sourires mielleux, les passages à tabac. Edmond ne ressortira pas indemne de cette nuit, guidé par son absence complète d’emprise sur les événements.


Mais la bifurcation morbide qui s’opère va plonger directement dans la folie furieuse, et la déchéance d’Edmond va se faire dans le sang. Un parti pris radical pour un film qui se veut une réflexion sur la naissance de la démence, et qui s’applique à montrer comment un homme peut se soustraire rapidement aux normes et à l’humanité de la société. Cette chute s’avère cliniquement intéressante, mais en glissant inexorablement vers un aspect totalement glauque, le film perd peu à peu ce qui en faisait son charme vénéneux. Le pari de Gordon est certainement réussi, puisqu’il voulait aller au bout de son idée de la folie, mais le spectateur risque de décrocher avant la fin du métrage. En insistant trop sur le caractère morbide des situations et des personnages, le film devient trop étouffant, à l’image de son précédent King of the Ants. Les amateurs seront ravis, mais les autres risquent de déchanter. Je crois que je vais me refaire un Meg Ryan moi…


jeudi 24 janvier 2008

GHOST RIDER 2099 (LEN KAMINSKI, CHRIS BACHALO, 1994)


Après Spider-Man, Ravage, Fatalis, le Punisher, les X-Men et Hulk, l’univers 2099 voit aussi débarquer son Ghost Rider, version informatique du célèbre démon qui avait déjà pris possession des corps de Johnny Blaze et de Danny Ketch au vingtième siècle. Dans ce futur alternatif, c’est Kenshiro Cochrane qui s’y colle et qui incarnera le motard vengeur afin de lutter contre les corporations et l’autorité.
Le nouveau Ghosty a plutôt belle allure, avec ses traits effilés et aérodynamiques. Son volume surdimensionné semble aléatoire et changeant, et son aspect chromé en fait une extension parfaite de sa machine. C’est un look finalement très Terminator que propose Chris Bachalo, et son choix s’avère efficace. La mise en images de Transverse City se fait dans des tonalités sombres augmentant l’ambiance glauque des bas-fonds, permettant à Len Kaminski de développer un scénario axé sur les différences de classes et les abus de pouvoir. 2099 se veut le reflet des préoccupations écologiques et sociales de notre époque, et Ghost Rider ne déroge pas à la règle.
L’expansion de cet univers alternatif se poursuit donc, mais la multiplication des séries commence à donner lieu à des répétitions. Le combat de Ghost Rider est certes transféré dans une autre ville que Spider-Man, Fatalis ou les X-Men, mais les idées sont finalement semblables. Au-delà de son aspect physique intéressant, Ghost Rider se retrouve lui aussi à courir après les méchants et à être poursuivi par la police comme les autres héros, et seuls quelques accès de violence le démarquent de ses congénères.



Reste un look futuriste séduisant qui emprunte à tout un pan de la science-fiction américaine, de Blade Runner à Robocop, et qui crée un lien particulier entre le monde réel et le monde virtuel. Ce Ghost Rider n’a rien à voir avec le démon Zarathos qui s’insinuait dans l’esprit de Blaze ou de Ketch, et ressemble davantage à un programme intégré dans l’esprit de Cochrane.
Une particularité assez agaçante de cette série est de multiplier les onomatopées chères à notre bon vieux Batman de 1966. Les kkrinch, skrootch et autres spfft remplissent les cases comme autant de vides scénaristiques à combler, et le résultat est paradoxal puisque cela nuit finalement à l’action. Une dimension assez cartoonesque qui dénature le propos apocalyptique de la série. Les bruitages sont d’ailleurs hors propos voire carrément faux, ce qui est tout de même particulier.
Reste donc un visuel sombre et un Ghosty ravageur, en espérant que les épisodes suivants épureront tout ça et lui donneront la dimension tragique qu’il mérite.


mercredi 23 janvier 2008

BRAVEHEART (MEL GIBSON, 1995)


Après un premier film intimiste (L’Homme sans Visage, 1994), Mel Gibson se lance dans l’épopée épique avec cette version romancée de la vie de William Wallace, patriote écossais qui se rebella contre l’occupation normande à la fin du XIIIème siècle. La légende de Wallace prend toute son ampleur dans ce récit ponctué de batailles sauvages et tourné dans des lieux somptueux d’Ecosse et d’Irlande.
Les récits historiques sont souvent plombés par un traitement trop sérieux et voulant respecter scrupuleusement la véracité des faits. Dans le cas de William Wallace, les rares documents existants laissent planer beaucoup de zones d’ombres, permettant à Mel Gibson et son scénariste Randall Wallace (!) de développer un script à la dimension tragique exacerbée. C’est ainsi que l’exécution de sa femme apparaît comme l’élément déclencheur de son insoumission, alors que dans la réalité elle fût tuée en représailles de meurtres perpétrés par Wallace. L’aspect romanesque du film donne évidemment plus d’impact au combat mené par Wallace, et la figure de Murron (Catherine McCormack) apparaît à intervalles réguliers comme le souvenir d’une existence paisible à jamais révolue. La romance secrète entre les deux amoureux donne lieu à quelques moments touchants, qui finissent quand même par sombrer un peu dans le ridicule (l’amour à poil dehors par grand froid sous le clair de lune, ça risque de geler les petites fesses). Mais c’est quand même moins naze que la magnifique scène de cul de 300... Mémorable.



Mais le mariage secret entre William et Murron ayant été découvert, cette dernière est tuée et son mari est bien décidé à la venger. Il prend les armes et se rebelle contre l’autorité anglaise, rassemblant une troupe vaillante autour de lui. C’est le départ d’une épopée sanglante et brillante qui culminera lors de deux batailles dantesques à Stirling et Falkirk. Là aussi, les données historiques ont été modifiées pour augmenter l’intensité des combats, ce que Mel Gibson réussit dans une débauche de violence et de sueur, mettant en scène des batailles rudes et sauvages au réalisme saisissant. Sa mise en scène est plus classique lors des scènes de transition, mais reste constamment collée à Wallace, ce qui ressemblerait presque à un manque d’humilité de la part de Mel Gibson qui se donne corps et âme dans la peau du patriote légendaire. Mais Mel a toujours la classe depuis ses débuts dans les séries Mad Max et L’Arme fatale, et sa propension à faire de Wallace un personnage espiègle et charmeur dans la lignée d’un Martin Riggs n’est pas déplaisante. Il insuffle ainsi une touche moderne et évite le côté plombant du film historique, et son charisme en tant qu’acteur colle parfaitement à celui dont devait user Wallace pour enrôler ses hommes.



La participation de Sophie Marceau dans le rôle de la princesse française Isabelle apporte une touche de romance supplémentaire, mais elle apparaît plus comme un faire-valoir afin de démontrer la douceur de cet homme si viril que comme un personnage à part entière. Par contre, Angus MacFayden habite littéralement le rôle de Robert le Bruce, et en fait un personnage tiraillé entre sa condition d’héritier du trône et son admiration sans borne pour le souffle de liberté qu’incarne Wallace. Sa remise en question douloureuse souligne bien l’ambiguïté de l’être humain, et apparaît comme l’exemple d’une expiation totale.
La fin aux relents christiques est annonciatrice du troisième film de Mel Gibson, La Passion du Christ, et achèvera de créer la légende de Sir William Wallace.Gibson réalise donc un film prenant, où la dimension épique se double d’une tragédie aux sonorités presque antiques. Sa réalisation est assurée et se permet quelques éclats parfois beaux, parfois plus discutables (la scène où Wallace entre dans la chambre du château avec son cheval, qui tient plus de l’onirique que du réalisme), mais la sincérité de Gibson est totale et suffit pour emporter l’adhésion. Sa mise en scène s’affinera encore, et explosera littéralement en 2006 avec Apocalypto, survival étouffant situé à l’époque aztèque qui le fera définitivement entrer dans le rang des réalisateurs américains les plus doués du moment.


mardi 22 janvier 2008

SEXE INTENTIONS (ROGER KUMBLE, 1999)



Pour son premier long, Roger Kumble ne fait pas dans l’humilité puisqu’il réalise ni plus ni moins qu’une nouvelle adaptation des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos. En transposant l’action dans le monde contemporain, il dépoussière une intrigue grivoise et pernicieuse et offre une relecture solide, plus proche du sensuel Les Liaisons dangereuses de Stephen Frears que de l’ennuyeux Valmont de Milos Forman.
Kumble s’est entouré de jeunes acteurs plutôt bons issus de la nouvelle génération des teens movies. Ryan Phillippe est un Valmont convaincant, et c’est une Sarah Michelle Gellar étonnante qui campe la vénéneuse Kathryn Merteuil. En contre-emploi total avec son rôle de tueuse de vampires, elle joue de sa sensualité avec un humour rafraîchissant, et le choix de faire de Valmont et Merteuil des demi-frère et sœur rajoute encore un peu de soufre à une histoire qui ne manque pas de piquant.


La rivalité des deux quant à leurs histoires sexuelles donne lieu à des séquences que Kumble choisit de caractériser sous l’angle de l’humour, et la révélation de ce film est sans conteste Selma Blair, qui joue l’ingénue Cécile avec un naturel confondant. Au cœur des scènes les plus drôles du film, celle qui deviendra plus tard la compagne de Hellboy crée un personnage de jeune écervelée vraiment réussi, dont la naïveté et l'innocence sexuelle sont autant de points de départ pour des séquences amusantes. Comme son incompréhension lorsque Valmont lui indique qu’il veut l’embrasser en bas, ou la manière dont elle se fait constamment éjecter par le même Valmont et par Merteuil.
Reese Witherspoon joue Annette Hargrove, qui n’est autre que la transposition de Mme de Tourvel dans cette version adolescente du roman, et qui prône l’abstinence jusqu’au grand amour. Un défi auquel ne pourra pas résister Valmont, bien décidé à déflorer la jeune femme afin de renforcer sa réputation. Un pari va être lancé entre les deux intrigants, et Khatryn Merteuil ira jusqu’à mettre en jeu son corps, puisqu’elle est la seule qui résiste à Valmont. La joute amoureuse va commencer, et va prendre des proportions insoupçonnées pour tous les participants.


Rythmé par une BO constituée de Placebo, Craig Armstrong ou encore Fatboy Slim, ce film déroule son histoire de manière dynamique afin que le spectateur ne puisse jamais relâcher son attention. Sexe Intentions constitue donc une petite bande plutôt sympathique, laissant place à une sensualité et des dialogues crus bienvenus. Il est donc normal que deux suites aient vues le jour, la première étant même réitérée par Kumble. Par contre les traducteurs ne sont ni des as de la grammaire (le E de Sexe), et préfèrent l’aspect sexuel qui sous-tend l’histoire à la cruauté de l’ensemble (Cruel Intentions en VO, c’est quand même moins vendeur). Qu’à cela ne tienne, Sexe Intentions est une petite réussite dans le teen movie, ce qui n’est pas toujours le cas, et ça fait plaisir à voir.

vendredi 18 janvier 2008

DEATH SENTENCE (JAMES WAN, 2007)



sorti le 16 janvier 2008

Révélé par le succès de son deuxième film Saw, James Wan change radicalement de registre pour son quatrième long et se lance dans le vigilante movie tendance autodestructrice. La bande-annonce laissait présager un métrage racé et bourrin, et mis à part quelques légèretés scénaristiques et un passage à vide à mi-parcours, le résultat est sacrément efficace. Du haut de ses 30 ans, James Wan accouche d’un film à la radicalité brute et à l’atmosphère lourde, qui fera probablement grincer des dents en se faisant taxer d’apologie de l’autodéfense.
Nick Hume est un jeune cadre dynamique vivant dans une banlieue typique avec sa femme et ses deux enfants, et ils incarnent tous le rêve américain tranquille, la petite famille si parfaite que cela semble trop beau pour être vrai. Le dynamitage qui va suivre anéantira totalement le point de vue initial, et ne laissera de ce temps heureux qu‘une poignée de photos. C’est dans un braquage sanglant que Nick Hume va perdre un de ses fils, blessé mortellement par un gang.
Les scènes suivantes sont filmées avec un sens du drame intimiste étonnant, et l’émotion qui se dégage de ces scènes de famille est vraiment intense. Les rapports entre les trois membres de la cellule disloquée se teintent de non-dits et de regards perdus, significatifs de la douleur et du mal qui les ronge. C’est sur cet aspect si difficile à capter que Wan réussit son point de départ, il préparant un terrain crédible pour la suite des événements. Secondé par son scénariste Ian Jeffers, il va traiter des notions essentielles lors d’un deuil comme la culpabilité, la haine et l’amour avec une puissante subtilité.



L’acte du père n’en sera que plus compréhensible, lançant ainsi une machinerie mortelle qu’il ne pourra plus arrêter. Dès l’instant où le film bascule dans la vengeance, la menace sourde devient tangible, et Nick Hume (joué par un Kevin Bacon toujours aussi intense) se retrouve avec un gang déchaîné à ses trousses. Et c’est dans cette descente aux enfers que Wan insuffle tout ce qu’il a comme expérience du cinéma, bien décidé à créer une atmosphère aussi poisseuse et glauque que possible. Son sens du cadrage étouffant, son utilisation d’un grain 70’s, son montage éprouvant font de Death Sentence une bande sauvage et agressive, de celles qui posent des questions dérangeantes et qui offrent une illustration à la fois cathartique et destructice. Death Sentence ne manquera pas de causer quelque polémique morale, mais James Wan a le mérite de poser une question difficile et d’en évaluer les conséquences de manière frontale. Death Sentence visualise la lente érosion de Nick Hume, détruit physiquement et psychologiquement par la mort de son fils, et surtout par la vendetta qu’il a mis en marche. Dans ce sens-là, le film n’a vraiment rien d’une apologie, car les débordements de violence sont autant d’éléments qui vont rapprocher Nick des membres du gang dont il cherche à se venger. C’est à une véritable métamorphose que l’on assiste, dictée par une douleur si intense qu’elle ne peut trouver un assouvissement que dans l’explosion des instincts les plus primaires de l’être humain.



Mais cinématographiquement, qu’est-ce que c’est bon! Que ce soit la poursuite dans le parking avec son plan-séquence magistral, ou la métamorphose de Nick lorsqu’il se rase la tête, James Wan multiplie les scènes fortes et les plans iconiques, transformant son personnage en une version du Punisher que ne renierait pas Garth Ennis! Que ce soit dans la scène où il s’entraîne à charger les armes dans son repaire secret, ou bien lors de son premier carton, Wan insuffle une émotion totalement brute et vindicative dans ses plans, augmentant l’impact d’autant plus que Nick y laisse sombrer son humanité. Le film y gagne largement en crédibilité, et rattrape ainsi les quelques défauts scénaristiques plombant le milieu du métrage (notamment avec la flic qui rabaisse Nick car elle sent qu'il cherche à se venger) et qui décrochent un peu le spectateur.
Death Sentence est au final un film radical confrontant le spectateur à sa part bestiale, et les menus défauts qu’il contient ne suffisent pas à étouffer la hargne d’un James Wan déterminé. Dérangeant et cruel, il constitue un solide substitut au pâlot Punisher de Jonathan Hensleigh, et est une mise en bouche audacieuse avant la déferlante John Rambo le 6 février!


mercredi 16 janvier 2008

LA NEUVIEME CONFIGURATION (WILLIAM PETER BLATTY,1980)


William Peter Blatty n’est pas seulement l’homme à la base de l’Exorciste, puisque au-delà du succès littéraire qui donna naissance au film de William Friedkin, il est aussi un réalisateur à part entière. Même s’il n’a à son actif que deux métrages, il faut lui reconnaître une sensibilité très particulière. Qu’il s’agisse de La neuvième Configuration ou de L’Exorciste, la Suite (1990), Blatty cultive une atmosphère vaporeuse et inquiétante, qui laisse place autant aux démons internes qu’à ceux plus réels.
Pour un premier long, Blatty fait preuve d’une maîtrise formelle rare, saisissant d’emblée le spectateur pour ne plus le lâcher. Les extérieurs très Nosferatu du film ont en fait été tournés en Allemagne, et l’atmosphère pesante faite de brume et de pluie caractérise les lieux comme un purgatoire intemporel. Ce château emmené pierre par pierre aux Etats-Unis est symbolique de la sensibilité toute européenne que le réalisateur veut insuffler à son film et qui le rapproche beaucoup de Murnau (pour l’aspect pictural avec sa lumière très influencée par l’expressionnisme) ou d’Herzog (pour son exploration de la folie). Mais ce château isolé est aussi une sublimation de ses propres occupants, dont les névroses et les délires semblent nourrir l’atmosphère gothique des lieux autant que les lieux influencent leurs comportements. La thématique classique de l’habitation qui transpire littéralement sur son occupant n’est certes pas nouvelle, mais le ton adopté par Blatty offre un développement vraiment original et sincère.



Les habitants du château sont donc des militaires écartés de leurs fonctions pour cause de fragilité psychique, et on peut dire assez clairement qu’ils sont bien dérangés. C’est dans cette sorte d’hôpital que débarque le colonel Hudson Kane (Stacy Keach, excellent) afin d’évaluer les différents malades. Dès son arrivée, il va découvrir un monde étrange, peuplé d’individus aussi déstabilisants qu’attachants, et il va tenter de découvrir ce qui les a conduit ici. Mais si le résumé peut faire penser à une variation sur Vol au-dessus d’un Nid de Coucou, La neuvième Configuration est en fait diamétralement opposé au film ennuyeux de Milos Forman. William Peter Blatty crée une atmosphère très particulière, qui convoque autant l’absurdité d’un Jarry que le fatalisme d’un Shakeaspeare. Ce mélange donne lieu à des scènes parfois cocasses, parfois tendues, et toujours empreintes d’une humanité distante mais constante. Comme si sa position de metteur en scène lui donnait une vision clinique de l’ensemble, et que sa position d’acteur (il joue le malade qui se prend pour un médecin) lui permettait de véhiculer de l’intérieur les émotions présentées. Un dédoublement intéressant pour un film dont le sujet principal est la folie, et qui ajoute encore à l’aura surprenante qui s’en dégage.



La folie est chez Blatty intimement liée à la religion et aux questionnements métaphysiques qu’elle pose. Elevé par des parents catholiques (il était à l’école chez les Jésuites), Blatty confronte le spectateur à ses propres interrogations, qui se heurtent à une absence de réponse, ou plutôt à une multiplicité de solutions possibles. Les points de vues très particuliers des patients, et notamment celui de Billy Cutshaw (Scott Wilson), se confrontent au sien, et il en ressort de nouvelles perspectives jusque-là ignorées. La neuvième Configuration pourrait s’apparenter à une version cinématographique d’un cadavre exquis, tant les répliques sont à la fois absurdes et pleines de sens. Un exemple avec le Capitaine Cutshaw qui révèle que « La fin du monde est due aux bonbons que j’avais dans ma poche »; la saveur des dialogues est parfois très drôle: « J’ai l’impression de vous connaître. -Dracula disait la même chose quand il voyait une nuque ».
Si la folie est le thème principal du film, le Vietnam en est un de ses corollaires obligatoires. La plupart des hommes présents dans cet hôpital y a combattu, et leur esprit se trouve fissuré par ce qu’ils ont vu ou commis à cette guerre. Une guerre qui affaiblira beaucoup la religion, et qui posera le questionnement de la sauvagerie latente de l’être humain. Une sauvagerie qui explosera à la fin du film, et qui clôturera une scène de soumission particulièrement tendue et réaliste.
La neuvième Configuration est un film magistral, et d’autant plus précieux qu’il est unique.


mardi 15 janvier 2008

SPIDER-MAN L’INTEGRALE 1971 (STAN LEE, JOHN ROMITA Sr., ROY THOMAS, GIL KANE)


Les années 70 prennent le pas et le ton devient plus rude dans les comics, et Spidey n’échappe pas à la règle. Les 12 épisodes réunis ici sont un condensé de l’atmosphère alarmiste de l’époque et de la paranoïa ambiante. Le Tisseur doit affronter des ennemis coriaces, mais aussi de graves problèmes qui le touchent lui et ses amis…
L’ancrage réaliste d’Amazing Spider-Man ne fait aucun doute, et il franchit encore une étape en se soustrayant au fameux Comics Code qui sévissait depuis les années 50 afin d’éradiquer toute tentative de proposer du matériel violent ou pornographique. Ce code restrictif était un outil savamment contrôlé par les bien-pensants purs et durs pour qui toute les bandes dessinées devaient proposer du matériel dynamique mais restant sagement correct. Ce à quoi Stan Lee répond non lors de l’épisode 97 qui fera scandale en traitant de manière très explicite le phénomène croissant de la drogue. Une réaction certes osée, mais qui s’avérera utile puisqu’elle permettra à d’autres de s’engouffrer dans la brèche et d’accentuer le réalisme de ces univers fictifs que proposent les comics.



La folie est aussi une thématique récurrente cette année, avec des super-vilains bien allumés. C’est le cas du Bouffon vert qui fait son grand retour, et qui est l’archétype du schizophrène dangereux et imprévisible. Il pourrait être vu comme une transposition Marvel du célèbre Joker de chez DC, mais il est bien plus qu’une pâle imitation. L’alternance entre l’identité civile du chef d’entreprise Norman Osborn et le visage verdâtre du Bouffon propose une réflexion intelligente sur les limites de l’esprit humain. La coexistence de ces deux personnalités dans le même corps pose un sous-texte psychologique riche qui enrichit la palette scénaristique de la série. Et le Bouffon n’est pas seul, puisqu on retrouve aussi le malheureux Curt Connors qui se transforme contre son gré en terrible Lézard; mais surtout, l’épisode 101 voit la première apparition de Morbius, personnage tourmenté s’il en est. Suite à une expérience visant à éradiquer le mal qui le ronge, le professeur Michael Morbius se retrouve transformé en vampire. Soumis à des pulsions irrépressibles le poussant à tuer afin de se nourrir de sang, il passe ses nuits à chasser des proies humaines, et ses journées à tenter de dormir alors qu’il est traversé par le remords et la culpabilité. Morbius est donc un personnage lui aussi ambivalent, à la fois prédateur redoutable et victime impuissante. Il symbolise parfaitement le glissement radical d’une vision manichéenne vers une description beaucoup plus nuancée des personnages. L’insouciance des 60’s (même si elle n’échappe pas à la guerre froide) laisse entrevoir un profond désespoir qui se cristallise lors de situations tragiques. Et ce n’est qu’un effet annonciateur, puisque le pire est à venir dans la vie de Spidey, en 1973...
Sinon, dans un registre un peu plus absurde, notre pauvre Peter se retrouve aussi affublé de 4 bras supplémentaires, ce qui lui donne pas mal de fil à retordre. Une situation drôle et embarrassante à la fois, qui flirte bon avec le fantastique un peu barré, et qui lui posera encore des difficultés en plus, surtout d’ordre social!
Encore un volume intéressant donc, même si le côté dépressif de Parker devient parfois irritant. Le fait qu’il se pose des questions à chacune de ses actions freine un peu l’action. Espérons que ça lui passera. Quoique, en 1973...


lundi 14 janvier 2008

INTO THE WILD ( SEAN PENN, 2007)



Sorti le 9 janvier 2008

En adaptant le roman de Jon Krakauer relatant la véritable histoire de Christopher McAndless, Sean Penn relève un défi considérable. Mais l’auteur de The Indian Runner et de Crossing Guard est déjà bien aguerri pour tenter de relater l'incroyable périple de ce jeune homme en rupture avec la société, et l’attrait du réalisateur pour les personnages hors norme lui permet d’éclairer avec une sincérité touchante cette personnalité si particulière. La sensibilité du réalisateur donne naissance à un film confrontant la beauté humaine à celle de la nature en évitant l’écueil du pathos facile, et Into the Wild s’avère une œuvre à la fois complexe et délicate.
Si Emile Hirsch était quasiment inconnu jusqu’ici, le film de Sean Penn sera une véritable révélation. En endossant ce rôle particulièrement difficile, Hirsch utilise tout son potentiel afin de recréer ce héros à la naïveté désarmante et à la force intérieure hors du commun. Totalement investi dans cette aventure (il ira jusqu’à perdre les vingt kilos nécessaires au réalisme de la situation), Emile Hirsch, avec son faux air de DiCaprio, emplit son personnage d’une humanité à la fois belle et tragique.



Sean Penn propose un récit déconstruit, multipliant les sauts temporels afin d’éclairer progressivement le spectateur quant à la personnalité de Christopher. En rompant la chronologie linéaire, il met à jour les fractures cachées de l’esprit de son héros, et les éléments du passé apparaissent comme des strates révélatrices. La construction s’avère très intelligente, puisqu’elle avance peu à peu, en affleurant parfois les idées, en étant plus directes sur d’autres, mais en laissant toujours le soin au spectateur de saisir le sens parfois caché des événements. C’est en tout cas une des constantes du cinéma de Penn, le fait de ne jamais tomber dans le sensationnel, mais au contraire de rester humain et réaliste.
Christopher McAndless a donc choisi d’entreprendre un voyage qui le mènera jusqu’en Alaska, et il faut lui reconnaître un courage et une volonté extraordinaires. Son besoin de se sortir du carcan social et des obligations inhérentes à sa condition (il sortait juste d’une fac et avait tout pour devenir un yuppie), ainsi que son envie de se soustraire à l’influence de ses parents, lui ont forgé une envie indéfectible de parcourir l’Amérique à la manière des vagabonds du début du siècle, tel le jeune héros de la touchante nouvelle de Jack London, Le Renégat. Il s’agit pour Christopher de quitter son monde d’apparence, et de s’évader afin de se découvrir lui-même. C’est accompagné de ses auteurs de prédilection comme London ou Tolstoï qu’il va arpenter le bitume, descendre les courants et traverser les champs de tout le pays. Avec toujours ce but ultime, l’Alaska. Le lieu où il saura enfin qui il est. Le personnage de Christopher peut être mis en parallèle avec celui de Timothy Treadwell, l’homme qui a vécu 13 ans avec des grizzlys. Werner Herzog a utilisé les images tournées par Treadwell lui-même afin de monter son documentaire Grizzly Man, révélant la personnalité et les fractures d’un homme s’étant totalement affranchi de la société, rongé par les regrets et la folie. Un film très impressionnant.


Sean Penn déroule son récit avec la grâce et la lenteur nécessaire à ce genre de film, et la durée de 2h27 n’a absolument rien de rédhibitoire. Ce film traite du voyage, et par extension du temps lui-même, puisque c’est l’élément qui permettra à Christopher de poursuivre sa quête intérieure. Les multiples rencontres qu’il va faire sont autant de connexions qu’il acceptera un moment, avant de continuer sa route. Le couple de hippies vivant dans le désert campé par Catherine Keener et Brian Dierker, le vieillard solitaire joué par Hal Holbrook, la jeune chanteuse qui n’est pas indifférent à son charme (Kristen Stewart), ou encore le sympathique et bourru Wayne, que joue l’excellent Vince Vaughn. Autant de personnages fascinés par Christopher, mais auxquels il ne s’attachera qu’un moment, avant de se focaliser à nouveau sur son but ultime.
La mise en scène somptueuse de Sean Penn rend à merveille la magie de tous ces fragments de vie, et la magnificence des décors naturels fait écho aux métamorphoses intérieures de Christopher. Into the Wild est un film simplement beau, traversé par un amour pur et ancestral, celui-là même que recherche le jeune aventurier. Un amour débarrassé des pressions de l’apparence, et mis à nu jusque dans une scène finale grandiose et intimiste. Sean Penn a mis au monde un film magistral et poignant, et se pose comme un réalisateur indispensable dans le paysage du cinéma américain.

vendredi 11 janvier 2008

SOCIETY (BRIAN YUZNA, 1989)


Le premier film de Brian Yuzna place d’emblée la thématique qu’il poursuivra tout au long de sa carrière de façon souvent explicite, à savoir la critique sévère et non dénuée d’humour de la haute société américaine. Il va mettre en avant sa vision de l’hypocrisie du monde aisé dans une atmosphère bien paranoïaque et un final résolument gore. Un auteur est né, qui ne s’embarrasse pas des apparences mais qui au contraire les détourne à son avantage.
Mais si Society est surtout connu pour sa célèbre scène finale trash et malsaine, Yuzna déroule un récit qui se veut tendu et étrange, en suivant un fils de bonne famille persuadé que ses proches sont différents et dangereux. Le jeune Bill Whitney (Billy Warlock) possède les caractéristiques typiques de l’adolescent en pleine crise, ce que son psy ne manque pas de lui faire remarquer. Mais la menace se précise de plus en plus, et Bill va découvrir la face cachée de Beverly Hills…



Yuzna prend son temps pour développer son récit, ce qui permet de bien retranscrire cette atmosphère faite de faux-semblants et où les apparences font office de réalité. Une vision acerbe qui semble motivée par des griefs personnels, mais en tout cas la plastique éthérée du film coïncide parfaitement avec la vacuité qu’il souhaite mettre en avant. En gros, il pourrait s’agir d’un épisode de Hollywood Night dynamité façon Cronenberg.
Car le malaise constant que ressent Bill tient à quelque chose d’intrinsèquement organique, et sa condition d’adolescent fournit évidemment des excuses toutes prêtes quant à son angoisse. Les scénaristes Rick Fry et Woody Keith dressent le portrait d’un Bill en proie aux désirs refoulés et en pleine mutation physiologique. Ses peurs d’un inceste familial, ses visions de corps distordus laissent planer le doute quant à sa santé mentale, et pourraient provenir d’une instabilité émotionnelle. Mine de rien, Yuzna visualise ce que peuvent être les troubles comportementaux à l’adolescence, et son point de vue étrange est très clinique. Ce qui donne évidemment au film ce côté parano véhiculé encore par une image souvent glacée, contrastant totalement avec l’ensoleillement de Beverly Hills et l’opulence de cette existence. Ce sera sa marque de fabrique, qu’il utilisera notamment dans son Dentiste bien radical lui aussi.



Si Society évoque le Cronenberg première période (Rage, Faux-Semblants), la tension sexuelle sous-jacente n’est pas sans évoquer le captivant Black Hole de Charles Burns, comics de 1995 qui poursuivra dans le registre du refoulé de manière complexe et limpide. L’explosion littérale de cette tension se fera dans un final tenant conjointement du burlesque et du gore, moment-clé qui verra les apparences se disloquer et la réalité apparaître. Un sommet bien sanglant et outrancier, dans la droite lignée d’un Bad Taste par exemple (dont le titre canadien est Dans l’Cul, ce qui gagne évidemment à être connu). L’allégorie saignante éclate donc au grand jour, et les riches se mettent donc à bouffer les pauvres de manière plus que littérale. Les visions cauchemardesques qui s’ensuivent sont matinées d’un humour bien gras (voir le père dont la tête sort du cul) renforçant encore la sensation d’animosité que ressent Yuzna envers la haute société. En tout cas, le spectacle est assez surprenant, et cette satire est un coup d’essai réussi.