mercredi 13 février 2008
SECRET WAR ( BRIAN MICHAEL BENDIS, GABRIELE DEL'OTTO, 2004)
Initialement parue dans les Marvel Méga 19, 21 et 25 (2005-2006 donc), la mini Secret War se voit propulsée dans la collection Deluxe qui comme son nom l’indique n’a rien de comestible. Le Deluxe, c’est un passage en édition classieuse avec couverture cartonnée en dur, et un format plus grand que la normale destiné à mettre en valeur les dessins. Et ici, au lieu de dessins, c’est véritablement de peintures qu’il s’agit, avec les oeuvres de Gabriele Del’Otto, artiste italien devenu culte aussi rapidement que l’on cuit des Barilla (en gros, 3 minutes dans l’eau bouillante).
Ouvrez ce recueil à n’importe quelle page, vous serez immédiatement bluffés par le réalisme du trait et la texture des images. Del’Otto possède un rendu rarement égalé dans le genre, et l'une des œuvres approchantes que l’on pourrait citer est le fameux Marvels de 1994 peint par Alex Ross. Une finition tenant de la maniaquerie et un esthétisme global réellement magnifique, Secret War est un laboratoire expérimental visuel, et y plonger équivaut à se laisser glisser dans un univers connu et pourtant réinventé. C’est ça la classe Del’Otto.
A ce pinceau réaliste s’ajoute un scénario original dans son approche, puisque cette histoire de super-héros est entièrement traitée comme un récit d’espionnage classique. Un parti-pris étonnant qui tend à minimiser l’impact des actions, mais qui complexifie une intrigue basée sur une menace de niveau national. On se demanderait presque comment intégrer des surhommes à tout ça, et pourtant, ça fonctionne de manière relativement fluide. C’est Brian Michael Bendis qui écrit (Jinx, Torso, Goldfish), et il le fait avec la précision d’un journaliste et l’ambition d’un écrivain.
L’apparente réalité de certains faits relatés est sujette à caution, mais reste tout de même troublante. Ce récit serait né des rencontres entre Bendis et un ancien haut responsable de l’espionnage américain, et offrirait des moments de pure vérité aussi incroyables que dangereux. Mythe? Le doute subsiste… Une chose est sûre, l’aspect documentaire est foisonnant, et se répercute de diverses manières. Tout d’abord dans le récit lui-même faisant ouvertement référence au conflit afghan, à Bob Woodward ou à la bande de Gaza, ce qui en densifie considérablement la portée politique. Mais également à travers les fameux dossiers de Nick Fury entrecoupant les 5 chapitres de cette histoire. Compte-rendu d’interrogatoire, fiches détaillées de personnages, journal personnel… Autant de matériel distinct et varié destiné à accréditer le propos paranoïaque du récit, et très utile afin de donner plus de poids à la dimension tragique de cette guerre secrète. Si en plus vous ajoutez des croquis de préparation, des esquisses de personnages et des maquettes de couvertures, vous vous rendrez bien compte de la tâche éditoriale plutôt fournie que nous a concocté Panini sur ce coup-là. Je ne suis pas un adepte de leurs collections luxueuses, mais les rumeurs persistantes font état d’un beau coup d’éclat qui ne leur est malheureusement pas coutumier. En tout cas, le résultat ici est vraiment beau.
Certains aspects de ce récit complexe peuvent être nébuleux, mais dans l’ensemble il est plutôt bien servi par un Bendis motivé et un Del’Otto très inspiré. L’équipe composée de Spider-Man, Wolverine, Captain America, la Veuve noire, Daredevil, Luke Cage et une jeune inconnue se laisse vivre avec intérêt. Même si la beauté picturale prend parfois le pas sur le rythme du scénario, Secret War constitue une œuvre ambitieuse et intéressante. Alors si vous n’êtes pas contre une entorse aux histoires classiques où fun rime avec pyjama moule-burnes, cette création devrait satisfaire votre esprit de nouveauté et votre œil. Et en plus, j’ai rien dévoilé de l’histoire, le suspense est entier. Elle est pas belle la vie?
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