Vendu comme une comédie loufoque dans la lignée de La Tour Montparnasse infernale, Double Zéro et Les Dalton, Steak en est en fait relativement éloigné. Alors que dans les trois premiers films, c’étaient Eric & Ramzy qui menaient la danse, Steak est avant tout un film de Quentin Dupieux. Le célèbre musicien plus connu sous le nom de Mr. Oizo s’essaie au long métrage dans une veine totalement absurde, créant un univers fort dans lequel il utilise à bon escient les deux comiques.
Steak est une sorte de comédie satirique teintée d’une touche de rétro-futurisme bien personnel, et instaure d’emblée une ambiance atypique que le réalisateur ne lâchera plus jusqu’à la fin. C’est dans ce monde étrange que Blaise sort de 7 années d’internement, et qu’il redécouvre un monde qui a bien changé depuis. Il retrouve son "ami" Georges qui tente d’intégrer le clan des Chivers, les gars les plus « in » du coin.
Tourné au Canada, ce film bénéficie de l’ambiance particulière de ce pays, et la mise en scène exploite bien les multiples possibilités visuelles. Il y a quelque chose de cronenbergien dans ce film, avec cette ambiance sourde qui fait en fait de ce film autre chose qu’une comédie loufoque. D’ailleurs le terme Chivers fait explicitement référence au Frissons de Cronenberg, dont le titre original est Shivers. Quentin Dupieux a bien intégré tout un pan de la culture américaine, et son film navigue à travers les genres. Les références à La Nuit des Masques sont nombreuses, avec notamment les bandages de Ramzy suite à sa chirurgie esthétique du visage qui le font ressembler à Michael Myers, ou encore ces plans contemplatifs de ces rues de banlieue baignant dans un calme automnal. Dupieux se la joue aussi film de fac, ou emprunte aussi une ambiance à la Crystal Lake.
Le steak du titre fait référence à cette nouvelle mode consistant à se refaire le visage, et souligne l’absurdité de la suprématie physique qui gangrène la société. Georges y succombe afin d’échapper aux brimades de ses camarades, et Blaise va tenter lui aussi de s’intégrer dans cette société qu’il ne comprend pas.
Eric & Ramzy sont idéals dans le rôle de ces inadaptés sociaux, et Steak est en cela une continuité pour les deux humoristes. Leur jeu délirant s’accorde bien avec la vision crépusculaire de Dupieux, et fait de ce film une œuvre tragi-comique relativement bien travaillée.
Les scènes surréalistes se suivent au son d’une excellente musique signée Mr. Oizo. Le jeu ridicule auquel joue les Chivers, leurs beuveries au lait, le kidnapping sympathique… Autant de moments étranges qui désignent Dupieux comme un véritable auteur. Son univers atonal n’est pas forcément évident pour tous, mais il est assez riche et crédible pour fonctionner.
4 commentaires:
Alors, pour une fois, voilà un truc que j'ai vu.
J'ai rarement eu une telle impression au visionnage d'un film. Pas de scénario, dialogues creux, une fin qui n'en est pas une, bref, une pure mer..heu...disons, un film que je n'ai pas compris (si tant est qu'il y avait quelque chose à comprendre).
Les deux gugusses de service se démènent un peu mais n'arrivent même pas, avec leur "jeu" outrancier, à rendre ce puit sans fond ne serait-ce qu'un peu amusant.
Qu'il y ait une transversalité de genres, je veux bien, des références, pourquoi pas, mais un album photo ou un journal intime n'ont jamais été suffisants pour faire un film. Des films absurdes, oui, ça existe, mais là c'est juste complètement con.
Un crachat à la gueule des spectateurs.
Si vous rencontrez un jour ce Quentin et que vous avez par hasard une tarte aux pommes à la main, foutez-lui à travers la tronche et dites bien fort "j'adore ce que tu fais, bordel !"
Et si vous avez un flingue à la place de la tarte, ben...improvisez, je vous oblige à rien.
;o)
Il ne s'agit pas seulement de références Néault, mais d'une ambiance vraiment réussie qui fait flirter la comédie avec le fantastique. Une originalité de ton dans lequel s'intègre vraiment bien les deux gugusses. Après, il faut apprécier ce côté résolument "autre" du film, et je peux comprendre que l'on soit réticent. Mais moi j'ai été agréablement surpris par cette expérience réussie.
"mais d'une ambiance vraiment réussie qui fait flirter la comédie avec le fantastique"
--> Y'a bien des trucs que je trouve "fantastiques" et "comiques" là-dedans mais à mon avis, c'est pas voulu. ;o)
Bon, on ne peut pas être toujours d'accord. Tu parles souvent d'oeuvres un peu en marge (et tu donnes souvent envie de les lire ou voir), mais là, c'est trop pour moi. Expérimental ne veut pas dire "n'importe quoi" et, surtout, l'originalité ne dispense pas d'un minimum de construction, de travail et de respect du spectateur.
Maintenant, la frontière est souvent mince entre le "n'importe quoi" et le "génial". Tu as visiblement trouvé une façon d'appréhender ce film qui m'échappe complètement. Tant mieux.
Je crois que Dupieux ne crachera pas sur ta critique vu les réactions de la presse et des spectateurs (rien de tel qu'un étron pour mettre tout le monde d'accord). ;o)
ps : je précise que je critique le FILM et PAS le fait que toi, tu l'aies apprécié hein. Par exemple, je déteste les betteraves rouges, mais je n'ai rien contre les gens qui aiment ça. C'est le Steak qui me reste en travers de la gorge, pas le fait que tu aies apprécié cette étrange cuisson.
;o)
Je comprends aisément que l'on n'aime pas ce film, mais je crois que le problème de départ ést vraiment qu'il a été vendu comme une comédie classique du duo. Je ne dis pas que ce film est un chef-d'oeuvre, mais je trouve que le travail de Dupieux est réel et sincère, et que son but de créer une atmosphère vraiment étrange sans verser dans la parodie pure est étonnante. Steak est simplement un OVNI qui explore des contrées rarement explorées, et il vaut bien des dizaines de productions formatées qui ne prendraient pas le moindre risque, que ce soit en matière de mise en scène ou de construction du récit. Atypique, chaotique, Steak est très spécial, et dans le genre, il est plus profond qu'un Atomik Circus par exemple.
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