Joe R. Lansdale est un écrivain passionnant, de la trempe d’un Pahlaniuk ou d’un Lehane. Le genre de type qui va te créer une atmosphère à partir de trois fois rien, et qui va te tenir éveillé grâce à une écriture ciselée et mordante. Lansdale est un écrivain du Texas, et Dieu que c’est bon de se plonger dans la moiteur de cet état! Juillet de Sang, publié en 1989, va suivre la drôle d’aventure de Richard Dane, pris malgré lui dans une tourmente macabre au risque de perdre sa paisible existence familiale.
Disons-le tout de suite, Juillet de Sang n’atteint pas les sommets des Marécages, que Lansdale écrira en 2000, mais il contient aussi cette substance si particulière imprégnant ses écrits, et qui suinte au travers des pages pour toucher le lecteur. Une substance qui est l’essence même de cette atmosphère texane dans laquelle baigne l’auteur, et qu’il retranscrit avec un mélange d’amour, d’humour et de clairvoyance qui n’est pas forcément la vision primaire habituelle. Evidemment, il y a des demeurés et des brutes épaisses dans ses romans, mais des personnalités se détachent du lot en apposant leur vue plus humaniste de cette civilisation. Lansdale, en traitant ce qu’il connaît, prend la population texane comme un microcosme représentatif de l’humanité, et brosse des portraits à la fois bien caractéristiques mais puissamment universels.
Juillet de Sang est une œuvre mineure dans la bibliographie de l’auteur, mais elle est intéressante à plusieurs niveaux. Cette histoire solidement ancrée dans une vision très responsabilisante du rôle du père possède des résonances faussement chrétiennes, mais aborde des thèmes comme la rédemption ou le pardon avec une justesse débarrassée des oripeaux religieux. Ici, la réalité est terre-à-terre, ce qui n’empêche pas ces notions d’exister. Le personnage central du roman, Richard Dane, est un père de famille aimant, mais en proie à des doutes quant à ses capacités de père. Mais il va apprendre que le rôle de père est parfois bien plus lourd que ça à porter… Je ne dévoilerai rien de l’intrigue qui est bien tordue (comme l’auteur les aime), mais je peux vous dire qu’il y a un personnage bien original de détective, à la fois très macho et vraiment lucide, du genre très direct et intelligent. Le genre de gars à sortir des phrases d’une poésie très particulière, comme: « La merde de cochon, si on la composte correctement, peut faire pousser n’importe quoi. Raoul prétend qu’un jour il va planter un poil de chatte et qu’il en poussera une vraie nana, mais la seule chatte qu’il a sous la main c’est celle de sa femme et il a pas vraiment envie d’en avoir une autre comme elle. »
L’atmosphère si particulière des romans de Lansdale se ressent beaucoup dans ses dialogues, aussi savoureux que rudes. Son écriture franche retranscrit à merveille une certaine idée du milieu rural, et capte des vérités sans pour autant jeter le discrédit sur une population. En gros, sa vision du Texas est un compromis entre Massacre à la Tronçonneuse et Walker Texas Ranger! En plus drôle évidemment. La tonalité rude qui imprègne le roman est faite de moiteur, de vieilles guimbardes, d’ex-taulard et de flic véreux. Une distribution qui ravira le fan de polar à l’ancienne, et qui fait de Juillet de Sang un récit parfois tiré par les cheveux, mais qui réussit à capter l’attention grâce à sa caractérisation si précise.
Lansdale est moins à l’aise dans le registre de l’émotion sur ce bouquin, mais il met en place une intrigue plutôt bien ficelée qui met le lecteur face à quelques rebondissements étonnants. Pas toujours très crédibles, mais étonnants. Et puis, un mec qui écrit une nouvelle assez tordue pour donner naissance à un film aussi étrange et génial que Bubba Ho-Tep, on ne peut que l’apprécier, même dans ses œuvres plus légères!
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire